Ils sont entrés par effraction dans ma boîte crânienne, avec leurs semelles sales et leurs grosses voix aiguës. Pour ne plus les entendre j’ai enfoncé mes écouteurs dans mes oreilles et mis de la musique forte, trop forte. Celle qui fait vingt et une minutes. Vingt et une minutes de calme, assise en tailleur sur le lit parental, le coeur entaillé. Ces quelques stupides décisions nous ont menés à la déraison et nous sommes retombés à la case départ, car nous avons apparemment glissé sur l’échelle du jeu de l’oie de la vie. Je disais, ils sont entrés, et ils ont fumé des cigarettes mentholées dans ma tête, sans ouvrir les fenêtres, alors la pièce est complètement enfumée, opaque, si bien que me voilà toute confuse. Puis une deuxième après la première, et ainsi de suite. La solitude, elle, est sur mon dos, elle ne me lâche pas depuis que je suis partie, ou revenue, je ne sais plus. Peut-être d’ailleurs qu’elle est née en même temps que moi, que nous sommes jumelles, que je confonds son visage avec le mien tellement nous nous ressemblons, lorsque je regarde dans le miroir, ou que je la voie dans ma vision périphérique. Je la déteste si fort, c’est comme me détester moi-même. Ça n’a aucun sens de détester ma solitude, au contraire il faudrait l’accueillir, la chouchouter, la prendre dans mes bras et lui dire qu’à deux nous ne serons jamais seules. Mais je préfère encore mettre le feu à la table et partir en Chine que d’accepter d’avoir une jumelle du nom de solitude.