Elle m’a dit que ma vie serait du miel si je le voulais, mais je préfère mettre de l’huile de coco et de l’huile de ricin sur mes cheveux plutôt que de vouloir quoi que ce soit. Les nuages de l’autre côté de ma fenêtre sont sombres, menaçants et gorgés de la pluie qui ne tombe pas, comme en suspend. Elle non plus ne veut rien, rien d’autre que de rester assise dans son nuage. C’était plus facile de brûler dehors que de se noyer dedans. Me revoilà clouée à ma chaise, retour à la case départ. Pour une gorgée de vin blanc de trop. Pas le Gavi, non lui ça allait, il était élégant, fin et ne me voulait pas de mal. Le dernier par contre – aussi vierge d’identité que le soldat inconnu, était comme un ennemi sournois, celui qui te pille de l’intérieur, le cheval de Troie du vin. Il roule sur ton palais, macule tes dents et fait couler la salive sur ta langue. À l’intérieur de ton estomac il vient donner une petite claque au démon qui s’y trouve, pour le réveiller et lui proposer une liste de choses stupides à faire, qui vont d’envoyer un message bien épelé mais embarrassant à rouler en voiture sur l’autoroute en direction d’une boîte de nuit de province, d’être attaché sur une chaise par du chatterton et projeté dans une pente à prendre un noctilien dans Paris. La liste est longue, ridicule et fantasque. Ce vin blanc, il n’est pas bon, tu ne l’aimes pas, tu le trouves même un peu dégueulasse, mais vas-y gaiement car on te ressert, alors tu acceptes non sans un petit plaisir coupable. Celui d’être sur ce toit, avec le soleil qui se couche, un épais pull marine qui appartient à une autre sur les épaules ; un peu plus et on aperçoit le stade d’Arsenal qui n’est pas loin, et la maison aux imposantes statues canines. Rien d’autre n’a d’importance à ce moment-là, ces trois derniers mois sont tombées aux oubliettes, pour une gorgée de vin blanc de trop.
Elle m’a dit que ma vie serait du miel si je le voulais. Si je le voulais.