Une toute petite bague en forme de papillon bleu. Elle venait sûrement d’une des machines du supermarché, où tu insères une pièce de dix francs, tournes la molette et une boule en plastique transparente tombe au hasard. Je ne sais pas s’il a tourné la molette quinze fois pour avoir ce papillon ou s’il a juste choisi la première qui venait, considérant avoir eu de la chance que ce soit le papillon et pas un ananas. Quoiqu’il en soit il avait décidé de m’offrir l’insecte. La transaction ne s’est sans doute pas faite en face à face. On était à l’âge où on envoie un émissaire pour poser la question fatidique de sortir ensemble. J’avais neuf ans, ou à peine dix et clairement sortir ensemble ne signifiait absolument rien pour moi. C’était juste un concept effrayant. Mais j’avais répondu oui. Et voilà qu’il m’offre une bague, dans un couloir bondé, en attendant d’entrer dans sa classe. Pratiquement mariée à dix ans. C’en était trop pour moi! Son romantisme ne s’arrête pas là puisqu’il écrivit un poème avec mon prénom. Quelque chose de simple et de joli, où le i devint irrésistible – peut-on réellement être irrésistible à neuf ans? et le e, élégante – ce dont je doute car je m’étais entichée d’un très, très long manteau en denim brillant, qu’on pouvait qualifier de beaucoup de choses, mais d’élégant non. Nous partagions le même prénom, lui avec la lettre ajoutée version masculine, et en cherchant sur Internet j’ai su qu’aujourd’hui il était attaquant dans une équipe de foot. Évidemment! Je me demande si lors du confinement, il s’est réfugié chez ses parents qui lui ont mis la pression pour trier sa chambre d’enfant – On ne va pas garder ces cochonnerie toute notre vie – et si là, en soulevant ses vieux posters de Zidane et Barthez il a retrouvé ma version du poème avec son prénom, et la bague papillon que je lui ai rendue quand nous nous sommes séparés, d’une façon probablement peu tragique. Je me demande s’il s’est souvenu de mon manteau en denim brillant, et s’il a tapé mon nom sur Google vingt ans plus tard.