La nuit dernière mes pensées sont devenues folles, ont transpercé ma tête si violemment que mon crâne a explosé, ne laissant que le corps essoufflé, à demi effondré, et des traînées de poudre derrière elles. Les murs qui entourent mon lit se sont recouverts du morne brouillard de leur cendre, sale et noirâtre. Mais peut-être était-ce du sang, il faisait bien trop sombre pour distinguer les couleurs.
J’ai eu si chaud, mon corps avait pris feu, comme une forêt qui s’enflamme quand elle étouffe, et le moindre coup de vent va disperser ce corps dans un ballet insensé. Parfois j’abdique, je pense que je peux m’en passer, que seules mes pensées constituent les cellules de ce corps, qu’il n’y a plus de chair ni de peau ni de poils, que des pensées. Puis je me souviens, que je modèle ces pensées comme du Play-doh, que je crée les balles qui me font sauter la caboche, que je suis responsable de mes nuits sans sommeil, à tourner sous la couette en duvet d’oie, que je triture mes souvenirs comme un détective zélé.
Parce que j’ai besoin de savoir que j’ai vraiment existé, que mes souvenirs sont suffisants pour prouver que j’étais là. Si j’oublie, qui se souviendra pour moi? Si je disparais, à quoi sera réduit mon existence?
Alors pour repousser le futur je pense au passé, car tout ne passe pas vraiment, j’ai pensé. La cendre a une mémoire elle aussi.