On était bloqués chez nous. Paresse forcée, dans une chambre qui ne dépasse sans doute pas les 15 mètres carrés. Ca me rappelle Paris, la chambre de bonne, les 6 étages sans ascenseur, les toilettes sur le palier et la vue sur un bout de Tour Eiffel. Oui je me souviens maintenant, j’avais un tout petit balcon dont j’étais fière, je pouvais me pencher sur la balustrade et voir au loin, Pasteur et son institut, les scooters garés en bas de l’immeuble et cette Tour Eiffel au loin, qui scintillait toutes les nuits. Ca m’apaisait, lorsque je me sentais seule. Car j’étais souvent seule dans cette chambre. Alors j’écrivais beaucoup dans un vieux carnet, je peignais à même le sol, car j’avais pas de table. J’abuse un peu car j’avais une table qui se repliait, un bout de plastique noir qui pouvait m’accueillir moi et mon bol de ricoré. Oui je buvais encore de la ricoré à cette époque, ce faux café que j’adorais. Mais je préférais rester par terre, sur mon futon qui a vécu tant d’événements, vu passer tant de jambes nues. Alors du coup je regardais des films, des films bizarres que mes connaissances bizarres me conseillaient, et je les regardais, j’avais pas peur chez moi, toute seule. J’étais forte, j’étais grande.
12 ans plus tard, je suis de nouveau seule, dans une chambre différente, avec les toilettes sur le palier, mais aussi la douche, et la cuisine. Une vraie grande maison anglaise, avec du parquet et dans ma chambre, une grande fenêtre qui donne sur un jardin. Mes plantes squattent tout mon bureau, que je leur ai laissé. Mais parfois, quand je m’assois à ce bureau, et que je regarde entre les plantes, par la fenêtre, je vois un renard qui prend le soleil sur un toit, un écureuil qui saute et des enfants qui gigotent pieds nus sur un trampoline. Parfois, quand je m’assois à ce bureau, j’ai de nouveau envie d’écrire. Comme aujourd’hui.