Un grand fusil
Il a mis une clémentine enceinte, et puis ils ont enterré ses épluchures dans un cimetière de fous. Sans que personne ne puisse venir poser ses phalanges sur la croix en pierre ou planter des tournesols dans la terre meuble. Personne ne veut mourir seule et oubliée, avec pour unique compagnie un enfant abandonné dans le coeur, comme un arbre déraciné. Dans ce rêve qu’elle a fait la nuit dernière, des hommes dans une voiture tirent sur des civils, alors elle court se réfugier sur une étendue d’herbe bien trop dégagée, et se jette à terre comme les autres. La voiture passe et elle voit un grand fusil pointer dans sa direction. Alors que les étincelles sortent du canon elle entend le bruit des coups de feu, très proches. Quelqu’un se jette au dessus de son corps étendu pour la protéger. Il n’y a que le bruit des coups de feu, et le silence. Celui qui joue le gilet pare-balles est un adolescent de quatorze ans qui porte un nom qui n’existe pas et veut protéger son ventre car elle est enceinte. Ah bon ? Elle a bien cru qu’on allait l’enterrer elle aussi, mais elle n’est pas encore prête à quitter ses quartiers.