Mercure rétrograde
La pelote est emmêlée, je n’arrive pas à discerner le bout d’un seul fil, je ne parviens pas à trouver le début de l’histoire. C’est un gros noeud qui se serre lorsque je tire trop tôt ou trop fort. Pourtant tout y est, toutes les histoires sont dans cette pelote, elles ne peuvent pas m’échapper. Mais elles sont inextricables, elles fusionnent en une seule et même grosse histoire dégoulinante, qui n’a aucun sens, ni queue ni tête. Alors parfois je prends ma paire de ciseaux et je coupe un fil au hasard, je prends un bout de l’histoire sans son début ou sans sa fin. Ce n’est rien. Pour soulager la pelote, jusqu’à retrouver le reste du récit. Si on m’avait dit qu’un jour je suivrais les étoiles pour savoir où mettre les pieds sur terre, je n’aurais pas cru ce on. Quand la lune est pleine, que Mercure tourne à l’envers, que la saison des cancers pose sa main sur ma joue pour mieux me gifler, j’attends qu’ça passe. Et en attendant, en arrière-plan c’est toujours le chaos avec mon égo. Je devrais l’envoyer valdinguer avant qu’il ne m’encombre de trop, mon égo, il risque de me faire basculer dans le canal si je ne fais pas gaffe, ou de m’étouffer avec un coussin, ou encore de me donner un coup de hache dans le dos quand je fais pipi accroupie dans les bois. Il en serait bien capable le traitre, soi-disant pour me protéger. Je n’ai plus de salive, alors je tapote trois fois l’arrière de mes incisives du bas avec la pointe de ma langue pour avoir quelque chose à avaler. C’est toujours la même histoire qui se répète, en scooter dans le tunnel de Lady Di. Ah mais tu écoutes ça comme musique? Je suis en apnée, il faut que je respire, que mes poumons suivent, que l’air entre et sorte, inspirer 1,2,3,4 retenir 1,2,3,4 expirer 1,2,3,4,5. Ça c’est juste des bouts d’histoires, des bouts de fils coupés à la va-vite. Ça n’a aucun sens. Ni queue ni tête.