J+20
Quand ça blesse trop fort il faut faire le pont avec 31 autres personnes.
Quand ça blesse trop fort il faut regarder les couleurs diluées sur une autre peau.
Quand ça blesse trop fort il faut servir table 11.
Quand ça blesse trop fort il faut monter dans un paquebot amarré.
Quand ça blesse trop fort il faut voler une gousse d’ail.
Quand ça blesse trop fort il faut faire pipi entre deux voitures.
Quand ça blesse trop fort il faut acheter une robe Ganni £6 au charity shop.
Quand ça blesse trop fort il faut être vulnérable. Puis silencieuse.
Quand ça blesse trop fort il faut écouter son voisin Martin roter et parler à son chat.
Quand ça blesse trop fort il faut apprendre à connaitre un chien avec un nom de philosophe.
Quand ça blesse trop fort il faut être nourri de curry et de dhal par des marxistes.
Quand ça blesse trop fort il faut chialer sur Beirut.
Quand ça blesse trop fort il faut dormir dans des draps noirs.
Quand ça blesse trop fort il faut oublier que c’était peut-être trop tôt.
Quand ça blesse trop fort il faut regarder Love is Blind en buvant un mauvais vin.
Quand ça blesse trop fort il faut pédaler lentement. Et longtemps.
Quand ça blesse trop fort, il faut crier. Sans faire de bruit.
Quand ça blesse trop fort il faut prendre ses amis dans les bras.
Quand ça blesse trop fort il faut appeler sa mère et son père et parler de la pluie.
Quand ça blesse trop fort il ne faut plus penser aux auberges de jeunesse, et à l’Australie, au saké, à la poterie, au stand up, au roller, aux photos dans la table de nuit, aux photos dans le téléphone, à la xbox, à Disco Elysium, à Marseille, à Porto, à Ballymote, au lit défait, au kalimba, à sa mère, aux chaussettes sales sur le sol, aux débuts, à la fin, à la pizza cheeseburger, aux crêpes ratées, aux crêpes réussies avec des zestes de citrons, aux t-shirt Married at first sight, à Ron et Lana, aux cheveux coupés, aux crises – d’angoisse, de panique, de colère, à la musique traditionnelle irlandaise, à l’Irlande, à la famine, aux filles mères, aux oranges et clémentines, au téléphone qui ne dit rien, aux quatre lettres qui s’affichent depuis plus de deux ans. Et qui s’affichent moins qu’avant. Et qui ne s’afficheront plus.